Rolandbêêê

Bonjour,
Cela fait plusieurs mois que je chaparde des renseignements sur ce forum et je crois qu'il faut maintenant me rendre à l'évidence : m'inscrire et donc me présenter.

Nous sommes installés en Haute-Vienne où nous cultivons du safran, lequel nous a amenés aux moutons d'Ouessant. Je vous épargnerai la devinette qui mène de l'un à l'autre et vais tâcher  de faire court (bon courage).
Nous avons un champ de safran, lequel craint particulièrement les rongeurs (je sais les Ouessant ne les boulottent pas, mais pourtant)... Il se trouve que la surface de safran est toujours assez restreinte et la nôtre est donc entourée de zones enherbées sur environ 3/4 d'hectare. Pendant plusieurs années, j'ai tondu consciencieusement pour une raison essentielle : les visites de clients afin que tout l'ensemble soit bien net et présentable. Indirectement, cela a protégé mes crocus des rongeurs, car ma femme et moi habitons au-dessus d'une rivière, laquelle est très sauvage et habitée de plusieurs couples de buses, mais pas que. Enfin, ce sont les buses qui sont en cause. Les buses ont vite repéré que le champ tondu était une aire de chasse idéale pour attraper les petits rongeurs à découvert et il y en a toujours une ou deux perchée sur un poteau de clôture à l'affût d'un téméraire campagnol. Du coup, nous sommes - relativement - épargnés par les ravages de ces chères petites bêtes... Sauf que...
L'an passé, le tracteur-tondeuse, deuxième du nom, a rendu l'âme après une lente agonie (rassurez-vous, il n'a pas souffert, l'ayant achevé brutalement à la sortie d'une butte de crocus). Je n'avais pas trop envie de le remplacer par un troisième engin. Par contre, j'avais énormément envie de lui substituer des tondeuses écologiques.

Je me suis renseigné auprès de collègues et de voisins sur la race la plus adaptée à mon objectif et deux races ont rapidement émergé : Soay et Ouessant. Ce devait être forcément des petites races, car le terrain n'est pas assez grand pour héberger des moutons de 60 kg, par ailleurs, il est plus facile d'ajuster le nombre d'animaux par rapport à leur travail avec des petits.
J'avoue que je préférais les Soay étant amateur de wiskhy mais qu'après d'assez longues recherches, je pouvais en trouver deux ou trois à prix d'or assez loin de chez moi (le nord des Monts de Corrèze) et les infos recueillies sur les habitudes de ces charmants ruminants laissaient entrevoir de longues séances de rodéo pour espérer les approcher (un de mes voisins en a eu, il n'en a plus !). Ils se sauvent en se dispersant en non pas en groupe...
Donc le choix s'est arrêté sur des Ouessants. En juin dernier nous avons tout d'abord trouvé 5 brebis, choisies dans un troupeau d'une trentaine en fonction de leur âge et de leur taille - enfin plus ou moins - puis en juillet nous avons tout d'abord acheté deux nouvelles brebis avec un bélier. Ce dernier ne devait pas rester, mais je ne pouvais décemment pas laisser le bélier tout seul.
J'ai trouvé ensuite une bonne maison pour le bélier qui ne m'intéressait pas et ai ensuite acheté un bélier blanc d'un an et demi à D. Morzynski. Cela m'a donné l'occasion de rencontrer un véritable passionné (et passionnant) ainsi qu'un un troupeau ma-gni-fi-que !
Je souhaitais un bélier blanc pour avoir une certaine variété de couleurs et la provenance de la Creuse me garantissait un bélier au standard (41 cm au garrot) pour la future progéniture.
On ne se rend compte qu'après du coût et des difficultés à surmonter.
Les dix premiers jours des brebis ont été épiques. Nous sommes dans un coin sauvage, alors les balades ne manquent pas, ce dont ont profité les chipies qui dès le troisième jour ont commencé l'exploration de la région. Nous aussi. Du coup, j'ai refait toutes les clôtures du champ et protégé le verger (miam, les bonnes écorces!) avant la construction d'une vaste bergerie avant la mauvaise saison. Au final, j'aurais certainement pu acheter plusieurs tondeuses mécaniques...    Elles se sont finalement stabilisées dans "leur champ" et ne se sauvent plus, même si une clôture reste ouverte !
L'hiver a apporté son lot de soucis, nous avons perdu une brebis, le véto n'a su nous dire pourquoi mais ce n'était pas une maladie. Nous en aurions su plus avec une autopsie, mais nous avons décidé de ne pas la faire mais d'observer de près les moutons pendant une quinzaine. Par contre, les autres ont bien passé l'hiver et utilisé la bergerie à leur convenance, y trouvant du foin, des granulés dosés et parfois quelques petits croûtons de pain. Peu à peu, ils se sont apprivoisés, mais restent quand même à distance avec Christine qui donne l'alerte et fait des bonds de cabri pour nous impressionner. Nous avons très peur dans ce genre de cas, chargés par 15 kg de laine...
Ce printemps, nous avons eu 4 agneaux deux blancs et deux noirs, deux agneaux et deux agnelles, parfaite parité. Nous ne nous lassons pas de les regarder chahuter et mener leurs mères par le bout du museau.
Voilà-voilà.

Je vous épargne les démêlés avec les chiens qui se perdent les jours de chasse, la chambre d'agriculture, le budget véto, le chat du voisin (le Rouquin, que les moutons chargent dès qu'il pénètre sur leur territoire, le même chat qui passe sous les clôtures électriques à sanglier la queue bien droite, comme une canne d'auto-tamponneuse) et pas mal d'autres aventures ovines.
Une dernière chose toutefois : je suis assez bavard.  

Bienvenue au Haut-Viennois et bravo pour cette présentation détaillée !  

Je crois que c'est la première fois que nous avons une présentation aussi complète   tu es peut-être bavard, mais c'est un plaisir de te lire, alors bienvenue parmi nous !

Un réel plaisir, et captivant...
J'espère que tu nous distilleras quelques-unes des aventures ovines que tu évoques mais que tu ne racontes pas...  

Merci pour cette présentation très détaillée.
Garde-en quand même un peu pour d'autres messages sur le forum.

Bienvenue

Bienvenue !

Je suis vraiment ravie d'avoir un cultivateur de safran parmi nous, si toi tu te documentes depuis quelques temps au sujet des moutons d'Ouessant, moi, en sens inverse, je me documente depuis quelques temps au sujet de la culture de safran, peut être sauterai-je le pas un jour... je voudrais que tu me confirmes, m'affirmes avec une certitude totale, que les ouessant ne mangent pas les plants de safran, ne les saccagent pas non plus, ce serait effectivement très très très intéressant .
Ravie d'accueillir un bavard, aussi, une grande qualité pour intégrer un forum.

marguerite a écrit:

je me documente depuis quelques temps au sujet de la culture de safran, peut être sauterai-je le pas un jour... je voudrais que tu me confirmes, m'affirmes avec une certitude totale, que les ouessant ne mangent pas les plants de safran, ne les saccagent pas non plus, ce serait effectivement très très très intéressant .
Ravie d'accueillir un bavard, aussi, une grande qualité pour intégrer un forum.

Dans ta remarque, il y a deux points sujets à réponse.
- Produire du safran oui ou non ?
- Laisser des moutons dans les plantations de safran ou  pas.

Pour la première, la réponse est relativement simple, si tu souhaites en tirer un revenu substantiel, passe ton chemin. Il faut compter au moins quatre à cinq années de production réelle (pas quinze ou vingt grammes) et une agressivité commerciale certaine pour arriver à un chiffre significatif. Ceci étant vrai jusqu'en 2010-2011. Depuis, le marché s'est un peu effondré et trouver une voie rentable et éthiquement viable (déjà rien que ce point mériterait quelques paragraphes) est devenu une gageure... Bon, si cela t'intéresse, ma safranière est ouverte et mon expérience à ta disposition. En Provence, il y a une association avec laquelle nous sommes en relation (je dis nous, car je fais partie d'une association de safraniers) qui partage notre éthique et avec qui tu peux prendre contact pour des infos locales, mais les difficultés sont les mêmes partout. Pour résumer, le safran a pu être une mine d'or, mais surtout pour faire payer très cher des formations obsolètes à des personnes un peu naïves.
Je caricature, mais c'est malheureusement peu éloigné de la réalité. J'ai des noms !

Pour ce qui est de laisser paître des moutons dans les crocus, moi, je ne le fais surtout pas. Pour deux raisons. La première, les feuilles et les fleurs de crocus sont toxiques pour les animaux; la seconde, des fois que cela ne serait pas vérifié, ils vont bousiller le capital (un bulbe acheté en gros vaut entre 35 et 45 cents d'euro, et il faut en planter au moins 7 à 8000 pour espérer une récolte).
Il peut aussi se produire qu'ils n'y touchent pas. Cela serait corroboré par le fait que les chevreuils et les lièvres n'aiment pas du tout les feuillages de crocus, mais...
Personnellement, d'un côté, j'aime bien mes moutons et j'ai pas trop envie de prendre le risque, d'autre part je tiens à mes bulbes de crocus que je ne voudrais pas voir saccagés.
Tout cela n'étant vrai que pour la période de fin septembre à mai puisque le feuillage des crocus sèche à partir de la mi-avril jusqu'à la mi-mai et qu'à partir de là, les crocus ne risquent plus rien.
Le problème est que nous avons des rosiers et des vignes dans la safranière qui nous servent de repères contre les maladies et que ça, les moutons, ils adorent.
Tiens, encore une réponse courte...

Donc, pour raccourcir...
Tu as cherché une race de mouton pour maintenir ta safranière propre, mais, entre la toxicité des crocus, la cherté des bulbes, l'appétence des plantes compagnes révélatrices de problèmes, ben, tu ne les parques surtout pas dans cet espace, et finalement tu élèves des ouessant pour le plaisir et peut être pour tondre ailleurs . c'est ça ?

Mais que ce raccourci ne te coupe pas la chique !

Pour résumer, j'ai pris des moutons pour tondre les alentours de la safranière (un peu moins de 3/4 d'ha pour les alentours, 2000 m2 pour le safran), tâche dont les Ouessant s'acquittent avec efficacité, ce qui permet aux rapaces de me débarrasser des rongeurs importuns. Il n'a jamais été envisagé de mettre des moutons dans la safranière !